Certaines vocations artistiques ne se font pas attendre. Surtout lorsqu’elles s’accompagnent d’un caractère bien trempé et d’un engagement altruiste. C’est le cas de la photographe plasticienne Floriane de Lassée. « Très tôt, vers 14 ans, peut-être avant, j’ai eu envie de devenir photographe artiste, confie-t-elle. J’aimais l’idée de tomber amoureuse d’une photo, d’une esthétique. Aujourd’hui encore, c’est ainsi que je considère les choses, un coup de cœur esthétique qui entrera ou pas au service d’une cause. »
Née en 1977, diplômée de l’école d’arts appliqués Penninghen à Paris et de l’International Center of Photography de New York, cette touche-à-tout s’intéresse à tous les formats photographiques et à tous les médiums, y compris au difficile travail à la chambre grand format. « Dans ma formation, j’ai vraiment voulu apprendre toutes sortes de médiums, à part la vidéo que j’ai peu pratiquée. Je m’intéresse à toutes les sortes de papier, des tirages traditionnels anciens, même noir et blanc, jusqu’aux techniques numériques les plus pointues. J’aime mélanger tous ces médiums et réfléchir à leur combinaison pour chaque série. Le format et l’encadrement sont importants aussi. Chaque série a vraiment sa taille et son médium dédié. »
Entre 2004-2011, elle a réalisé celle intitulée Inside Views, « qui confronte dans une troublante fusion des plans l’immensité des villes à l’intimité de ses habitants. » À New York, Shanghai, Tokyo, Las Vegas ou Istanbul, elle a photographié l’intimité de femmes sur fond de mégalopoles dans un jeu de contrastes saisissants. « J’ai exploré pas mal de thématiques autour du féminin à travers une esthétique qui ne soit pas documentaire. La série Inside, qui a duré très longtemps et qui a eu du succès, traitait de la solitude très spécifique des femmes dans les grandes urbanités. Je me suis inspirée de mon vécu, lorsque je faisais mes études à New York, on ne se balade pas dans n’importe quel quartier, de n’importe quelle manière, à n’importe quelle heure. »
Peuplées de personnages féminins mis en scène avec dextérité, ses séries traduisent la fibre écoféministe de cette photographe globe-trotteuse qui articule esthétisme léché et causes à défendre. « Je mentalise beaucoup les choses. Parfois, pendant plusieurs semaines, je laisse les choses se construire dans ma tête, je marche dans les rues, je regarde des trucs et petit à petit, ça s’affine jusqu’à avoir l’image mentale parfaite. C’est à ce moment que la photo m’appelle, même si parfois, le jour de la prise de vue peut devenir douloureux parce qu’on n’arrive pas à faire exactement ce qu’on avait prévu. » Depuis 2017, elle va à la rencontre des femmes africaines et issues des diasporas ayant déjà une vision assez claire « pour faire de demain un monde plus riche et plus équitable ». Dans cette série de portraits intitulée Mamas Benz et imprimée sur wax, des femmes de toutes générations et origines sociales prennent la pose. « Je m’entraîne ! Comme je ne photographie pour ainsi dire que des femmes, je les observe dans la rue, je choppe les attitudes qui m’intéressent et j’essaye de les reproduire devant un miroir ou en prenant la pose en demandant à quelque de me photographier. »
Partie depuis près de deux mois pour un tour du monde photographique — et défendre quelques belles causes, notamment celles des femmes —, la photographe est partie en famille à la rencontre d’ONG et de communautés locales. Un périple qui passe actuellement par Laos et le Vietnam, avant de se poursuivre au Vanuatu puis en Australie. « Avec mon conjoint, qui est aussi photographe, nous avons constaté que les ONG avaient besoin de visibilité, que l’image documentaire basique n’avait plus d’impact sur les gens qui la regardent et qu’il fallait une image plus travaillée, plus raffinée, analyse-t-elle. C’est pourquoi nous avons proposé à plusieurs fondations de participer à notre tour du monde. Nous passons d’une ONG à l’autre dans chaque pays pour faire ces photos, qui sont en quelque sorte des travaux de commande. Nous sommes partis un peu au pied levé, sans avoir de fonds. Nous sillonnons aussi bien des zones touristiques que des zones totalement reculées comme des mines ou rurales comme des plantations. Or, les projets d’ONG sont souvent isolés à des heures de route des côtes par exemple. Mon travail, je l’ai toujours plus vu comme une énigme, comme une question que je pose au regardeur, plutôt qu’une réponse. » Même à l’autre bout du monde.
Livres disponibles à la vente: www.florianedelassee.com