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Elle est au chevet des œuvres d’art. La signature d’une peinture au microscope, la datation au carbone 14 d’un objet archéologique, un doute sur l’origine d’une pièce… Rien n’échappe à l’œil affûté du Dr Isabelle Santoro, directrice de Geneva Fine Art Analysis. Située aux Ports-Francs de Genève, cette entreprise qu’elle a fondée en 2016 avec le Dr Kilian Anheuser est l’un de ces laboratoires de pointe qui décortiquent les œuvres d’art à des fins de conservation préventive, d’authentification et de restauration. « Lorsque j’ai commencé mon métier, il n’y avait que très peu de formations dans ce domaine, les doctorats en sciences de patrimoine n’étaient pas établis comme ils le sont aujourd’hui », explique cette chimiste diplômée d’un doctorat de l’École Polytechnique de Zurich, qui a eu envie de se spécialiser dans la chimie de l’art en regardant un documentaire sur le célèbre — et spectaculaire — laboratoire de recherche du Musée du Louvre. « J’aimais la chimie, j’aimais l’art. L’idée de mener une enquête pour découvrir quels sont les pigments, quels sont les liants m’a plu dès le départ. C’est comme ça qu’une envie est devenue une passion », confie-t-elle.

Dr Isabelle Santoro

Ancienne responsable de la conservation préventive et du laboratoire du Musée d’art et histoire de Genève, Isabelle Santoro a les pigments dans la peau. Spécialiste de la chimie du patrimoine, elle a travaillé au Louvre sur la caractérisation des substances naturelles en milieu archéologique, puis à Zurich sur l’analyse de pigments des peintures de chevalet. « Les universités travaillent de plus en plus sur la caractérisation des matériaux et sur l’identification des facteurs de dégradation des œuvres, c’est un milieu en pleine évolution. » Totalement indépendant du marché de l’art, son laboratoire revendique sa neutralité. « La chimie de l’art est un petit monde. Certains sont spécialistes de certaines époques, d’autres de certains matériaux ou d’artistes. On échange les uns avec les autres, on demande des conseils. Nous travaillons également avec des laboratoires partenaires. Nous sommes tous complémentaires. »

Elle compte parmi ses clients des musées et des fondations, mais aussi de nombreux collectionneurs privés : « Avec les affaires de faux et de faussaires, les collectionneurs veulent être sûrs de ce qu’ils achètent. Et dans le cas d’un héritage, savoir ce qu’ils vont transmettre. Les assureurs s’adressent aussi à nous en préalable à l’estimation de l’œuvre pour constater son état avant de l’assurer. Dans le cas de litiges, des experts auprès des tribunaux peuvent aussi nous solliciter. En ce qui concerne les musées, la démarche est un peu différente. Lorsqu’ils sont confrontés à des tableaux qui se dégradent, ils veulent comprendre ce qui se passe pour arrêter cette dégradation et conserver au mieux les œuvres pour les générations futures. »

Dans son quotidien, elle détecte les faux avec toute une panoplie d’analyses scientifiques, réattribue la paternité des œuvres à un maître ancien ou à son atelier, reconstitue l’histoire d’anciennes restaurations. « On peut par exemple, comprendre comment un artiste a évolué dans sa pratique en analysant les pigments qu’il utilisait, car il n’est pas rare qu’un peintre, en rencontrant d’autres artistes, change de méthodes ou de pigments. On rentre dans l’intimité de son travail, et c’est tout à fait passionnant. »

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