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Son concept a fait le tour du monde. Le Belge Hazis Vardar, propriétaire et producteur de théâtre, est le père fondateur des musées Banksy. À Paris, Bruxelles, Barcelone, Madrid, New York et plus récemment à Saxon en Suisse, ces musées d’un nouveau genre permettent de découvrir l’univers de cet artiste célébrissime, qui cultive paradoxalement un anonymat hermétique. Où est-il né ? Personne ne le sait vraiment. Peut-être à Bristol, autour de 1974. Qu’importe. Depuis les années 1990, son style provoquant et unique, ses messages politiques puissants et ses actions coup de poing ont fait de lui le plus grand street artist au monde. Et forgé sa légende. « J’ai toujours suivi son travail, notamment son film que j’ai adoré. Le street art rend l’art accessible. Il le démocratise sans le dénaturer, avec un vrai message politique, » confie Hazis Vardar, qui possède une collection personnelle de produits dérivés de Banksy — disques, vinyles, t-shirts… « Environ 200 à 300 pièces. Ce n’est pas de l’art au sens strict, mais cela reflète son influence dans la culture pop. »

En 2018, ce directeur de théâtre a eu l’idée de lui consacrer une exposition temporaire, « The World of Banksy ». Il se souvient : « Avec une sensibilité à la mise en scène et une certaine culture du spectacle, il me semblait évident qu’on ne pouvait pas faire une exposition “classique”, dit-il. Il fallait théâtraliser, être aussi révolutionnaire et transgressif que Banksy lui-même. Il s’agissait de respecter l’esprit du street art, car il n’y a rien de pire pour cet art que d’être exposé dans un espace feutré, avec des œuvres encadrées sous des lumières tamisées. On passerait complètement à côté. »

Forte de son succès, l’exposition parisienne devient permanente : ce sera le musée Banksy. Installé dans un espace de 900 m² situé dans un ancien parking souterrain réhabilité rue du Faubourg Montmartre à Paris, le musée propose de découvrir l’univers du street artist à travers une centaine d’œuvres et des murs au pochoir réalisés par d’autres artistes en hommage au « maître ». « Ce sont surtout les reconstitutions des œuvres disparues qui impressionnent le plus. La majorité des originaux a été détruite, volée ou nettoyée. On ajoute régulièrement de nouvelles œuvres, comme celles réalisées en Ukraine il y a deux ans : un enfant battant un adulte au judo, une danseuse sur une chaise… » Bien qu’il ne connaisse pas Banksy en personne, Hazis Vardar délivre une précision d’importance : « Il y a eu une forme de validation de Banksy. Il a reconnu dans un message qu’il ne s’opposerait pas à la copie et aux reconstitutions de ses œuvres… et j’étais le seul à le faire à ce moment-là. »

Ces musées immersifs sont conçus comme des déambulations urbaines. « Les œuvres sont regroupées selon leur localisation géographique, recontextualisées pour mieux faire comprendre leur portée. Le street art est un art très engagé — encore plus dans le cas de Banksy, ajoute Hazis Vardar. Nous avons des bandes-son pour chaque espace, et une idée originale : chaque œuvre est accompagnée d’une plaque d’égout représentant la ville où elle se trouvait à l’origine. Le fond sonore provient de cette même ville. Cela immerge complètement le visiteur. »

Juste à côté du musée Banksy de Paris, Hazis Vardar a également bâti une réplique du Walled Off Hotel, le célèbre hôtel-installation que Banksy a conçu avec des artistes palestiniens en 2017 à Bethléem, situé à 4 mètres du mur de séparation construit par Israël en Cisjordanie occupée. « La pire vue d’hôtel au monde », selon les propres termes de l’artiste. À Paris, les visiteurs peuvent avoir un goût de l’expérience en y séjournant. Précision d’importance : « Et surtout, il y a eu une forme de validation de Banksy au début de l’exposition “The World of Banksy”, affirme Hazis Vardar. Il a publié un message expliquant que la personne qui faisait des copies et reconstitutions de ses œuvres — en l’occurrence moi — était la seule à le faire à ce moment-là. Il ne s’y est pas opposé. »

En octobre 2024, le dernier né de la galaxie Banksy conçu par Hazis Vardar et son frère, Alil, a ouvert ses portes à Saxon, un petit village valaisan en Suisse, à côté de l’ancien Casino. Un mois et demi après son ouverture, l’exposition avait déjà attiré plus de 10.000 visiteurs. Une expansion continue. « Nous sommes présents dans plusieurs villes, et je travaille actuellement sur un projet à Kiev, » précise Hazis Vardar. Et quand on lui demande ce qui fait la force de Banksy, il répond : « Sa capacité à dire l’essentiel avec une image. Un dessin vaut mieux que mille mots. »

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