De la poésie faite pierre. Dans ses sculptures monumentales comme dans ses installations mixtes, Laurent Pernot a développé un univers contemplatif, faisant fi des hiérarchies de genres ou de formes. Après des études en école de photographie et de premières expériences professionnelles, cet artiste plasticien français né en 1980 poursuit un cursus universitaire à Paris VIII où il obtient une maîtrise Photographie & Multimédia en 2002 avant d’intégrer le Fresnoy, l’exigeant studio national des arts contemporains de Tourcoing. « J’ai toujours été davantage attiré par le processus de création des images que par la commande en elle-même, dit-il. À l’université, le champ de l’art abordé était plus vaste que celui de la photographie et de son histoire. C’est là que je me suis sensibilisé à la création contemporaine. Une fois admis au Fresnoy, j’ai souhaité poursuivre ma pratique photographique en la poussant un peu plus loin du côté du cinéma et de l’installation vidéo. » Pendant plusieurs années, il enchaîne les résidences à l’étranger, en Asie, en Europe du Nord ou au Canada et développe alors « plusieurs vagues de recherches ». « Lorsque je suis revenu à Paris et j’ai eu envie d’avoir mon atelier et de m’emparer de nouveaux matériaux, d’expérimenter différentes techniques, différentes formes. C’est à partir de ce moment-là que ma pratique s’est vraiment étendue. »
Il développe alors un répertoire polymorphe faisant appel à la vidéo, à l’installation, à la photographie, à la lumière et à la sculpture, mais aussi à l’écriture. « L’écriture a toujours été au fondement de la conception de mes projets. Je me suis nourri de philosophie, de littérature et poésie. Les mots et le langage ont pris de plus en plus de place dans mes créations et j’ai commencé à utiliser la matière textuelle comme une forme, comme une image. L’écriture poétique, par exemple, permet de traduire ou de retranscrire, parfois, avec seulement quelques mots, des pensées complexes. » Avec plus d’une trentaine d’expositions personnelles à son actif, il participe aussi à de multiples expositions collectives dans des institutions culturelles telles que le Centre Pompidou, le Louvre Lens et le Palais de Tokyo, ou encore à des foires, comme ART021 Shanghai ou récemment Art Paris.
« Quand on est jeune artiste comme moi — et surtout quand on découvre le milieu de l’art plutôt tardivement, c’est-à-dire pendant ou après ses études comme je l’ai fait —, il faut aller assez vite. Et pour ça, il faut mettre en œuvre ses envies sans trop se poser la question de savoir si vraiment la bonne voie, si c’est vraiment un choix déterminant ou essentiel, etc. Ensuite, chaque projet en amène souvent un autre. Il y a quelque chose de l’ordre de continuité qui, peu à peu, se tisse dans la durée. »
Parfois installées en pleine nature ou se dévoilant de manière inattendue sur une façade historique, les œuvres de Laurent Pernot convoquent souvent notre rapport au temps, long comme fugace, et à la mémoire. « J’ai plutôt tendance à être sensible à ce que j’appellerais la mélancolie, une forme de mélancolie douce et joyeuse. Seul le rapport au présent m’intéresse, il ne s’agit pas d’une nostalgie tournée vers le passé et les regrets. Pour moi, c’est une sorte de tendresse vis-à-vis de ce que l’on vit aujourd’hui, notre rapport au vivant, les paradoxes de notre relation au monde. » Dans le cadre du programme Mondes nouveaux, Laurent Pernot a ainsi imaginé une série d’interventions pour le Centre des monuments nationaux, « opérant des rapprochements entre expérience physique de l’art et expérience de la nature ».
Au Domaine de Saint-Cloud, sa sculpture Je me souviens révèle dans un bassin des lettres à demi immergées en pierre naturelle de Haims. « Je ne vois pas de différence entre une vidéo, une œuvre lumineuse ou une peinture, confie l’artiste qui travaille actuellement sur une autre sculpture monumentale destinée l’espace public. Pour moi, elles relèvent d’une expérience sensorielle et sensible, parfois spirituelle ou plus intellectuelle, selon les interprétations. Ces œuvres sont des supports qui permettent d’éveiller l’imaginaire et de voir le réel autrement. »