Les NFTs sont partout. Depuis un an, le monde de l’art n’a que cet acronyme à la bouche, ébahi devant les records enregistrés par les œuvres d’art affublées de ces non fongible tokens dont ont dit que la traçabilité et l’authentification sont sans failles. Mais Benoît Couty n’a pas attendu que la blockchain soit à la mode pour s’intéresser au monde du cryptoart. À tel point qu’en 2018, cet avocat fiscaliste de 49 ans lui a consacré un musée, virtuel il va de soi. « Après avoir découvert les différents métavers en 2018, je me suis rendu compte qu’un nombre incroyable d’artistes talentueux évoluait dans ces univers virtuels », se souvient-il.
Fasciné par ces pionniers du cryptoart, il commence alors par leur acheter des œuvres : « C’était le tout début de ce mouvement. À l’époque, les artistes vendaient leurs œuvres très peu cher, j’en ai donc acheté beaucoup… » En quelques années à peine, sa collection a ainsi regroupé quelque de 700 œuvres réalisées par une centaine d’artistes internationaux. D’où l’idée de leur dédier un musée, le MoCA (Museum of Crypto Art) hébergé sur Cryptovoxels, l’un des principaux mondes virtuels. « À la différence d’un galeriste, je ne vends pas mes œuvres. Je veux plutôt montrer comment un mouvement artistique est en train de se construire. Pour ça, il fallait un outil institutionnel pour prendre du recul et observer les tendances se créer. » Organisé comme un musée « en dur » avec ses enfilades de salles d’expositions et ses 3.000 m² d’espaces curatés, le MoCA a récemment fait une incursion dans le monde réel lors de l’exposition « Crypto Art Revolution » en décembre dernier à Paris dans les locaux de l’ancien musée Pierre Cardin. « La collection du musée est, par essence, entièrement digitale, basée sur le métavers et les NFTs. Mais nous avons voulu la confronter à des acteurs réels du marché de l’art, car il y a souvent une incompréhension, voire un rejet de l’art crypto dans ce milieu. Souvent, ils minimisent son importance. Or, c’est une véritable culture avec ses codes, ses tendances, ses talents, son énergie. »
Agacé par la surmédiatisation de l’aspect financier des œuvres crypto et NFTs, le collectionneur-conservateur défend la créativité de ses artistes du pixels : « L’art digital existe depuis très longtemps. Le cryptoart est une forme artistique numérique, mais avec ses propres codes, ses propres esthétiques, ses propres techniques et ses propres thématiques. C’est là encore une culture en soi. On y trouve des références geeks, des références au gaming et à la pop culture. Et aussi beaucoup de références à l’histoire de l’art. » Ainsi, le street artist Pascal Boyart, converti de bon cœur à la culture crypto, a réalisé, dans une ancienne fonderie d’or de la région parisienne, une version révision de la Chapelle Sixtine. Une manière aussi de pérenniser des œuvres de street art, éphémères par nature. « Dans le monde réel, cette fresque monumentale est difficilement accessible au public et elle disparaîtra le jour où des promoteurs immobiliers reprendront le terrain, explique Benoît Couty. Or, dans le métavers, tout le monde peut la visiter. Le but n’est pas de gagner de l’argent, mais bien de raconter une histoire… »