
©Lorraine Wauters
Cette école unique en son genre est née d’une promesse. Celle que Benjamine De Cloedt, sa fondatrice, a faite à sa sœur décédée prématurément et avec qui elle partageait le rêve d’ouvrir une école de danse. Son autre source d’inspiration fut sa fille, « qui a quitté la maison quand elle avait 11 ans, pour devenir un petit rat de l’Opéra, se souvient-elle. Je me suis rendu compte que le ballet, classique ou contemporain, était extraordinaire, mais que les revers pouvaient être difficiles, d’un point de vue physique comme mental, constate Benjamine De Cloedt. Ça m’a donné l’idée d’ouvrir une école de ballet différente en francophonie, puisqu’on en a déjà une à Anvers, mais rien en Wallonie. »

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Avec Damien Comeliau, elle décide alors de fonder la Mosa Ballet School. En 2018, elle tombe sous le charme de l’ancien siège de la Banque Nationale à Liège, à deux pas de l’Opéra. Un bâtiment de 10.000 m² agrandi à 12.000 m², offrant un cadre somptueux avec ses matériaux nobles des années 60 : panneaux de noyer américain, marbre arabescato, grandes portes de coffre-fort conservées. L’acquisition et la rénovation du bâtiment ont été financées sur son patrimoine personnel. Inaugurée en 2022, la nouvelle infrastructure rivalise avec les meilleures écoles internationales : 12 studios de danse, auditorium, infirmerie, restaurant, cabinet médical, internat, bibliothèque… « Je voulais que ça soit tout en un, » précise la fondatrice, forte de son expérience d’architecte d’intérieur.
L’ambition de l’école ne tient pas que dans la splendeur du bâtiment ou la qualité du corps enseignant — la direction artistique a été confiée à Olivier Patey, ancien premier danseur de l’Opéra de Paris, tandis que le Belge Wilfried Jacobs, ancien danseur étoile du Ballet National de Finlande, en est le directeur pédagogique : Benjamine De Cloedt veut hisser la Mosa dans le Top 5 mondial. Et s’en donne tous les moyens. Sa priorité ? Défendre haut et fort ses trois valeurs cardinales : l’excellence, la bienveillance et la collaboration. « Dans les sports de haut niveau, les sports d’élite, la bienveillance et la collaboration ne sont pas toujours appliquées comme il faudrait, » souligne la fondatrice. L’autre autre axe fondamental qui définit cette école atypique : son rôle social.

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Car au-delà de la formation d’élite, l’école développe « Quand on Danse », un programme social et thérapeutique qui mobilise les élèves et le personnel pour participer à des ateliers destinés à des publics fragilisés — patients atteints de maladies dégénératives ou de cancers, jeunes en situation de handicap, personnes âgées ou issues de milieux défavorisés… « Nous organisons des ateliers trois ou quatre fois par mois. Notre but n’est pas de remplacer les spécialistes, mais plutôt d’être des facilitateurs, entre le corps médical, les hôpitaux, les associations, les maisons de retraites, etc. Nous développons une plateforme en ligne qui permettrait de trouver des séances de danse thérapeutique ou de danse adaptée, un peu comme Booking, » explique la fondatrice. Le projet s’étend à l’Europe avec des partenariats en France, Allemagne et Pays-Bas. Par ailleurs, les enfants talentueux issus de familles modestes peuvent aussi bénéficier d’une bourse.

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Benjamine De Cloedt insiste : « Ce projet ne nous appartient plus. » Après avoir rénové le bâtiment, elle l’a en effet offert à une fondation d’utilité publique. Elle précise : « Le but est que cette école tourne toute seule, ce qui est le cas actuellement. Il faut que cette école soit pérenne et autonome de ses créateurs. » Son modèle économique repose sur trois piliers : 40 % de financement public, 30 % de contributions des familles (avec bourses pour les élèves démunis), 30 % de mécénat et sponsoring. Un équilibre aujourd’hui fragilisé par la récente décision en avril de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui n’a pas renouvelé sa convention avec la Mosa Ballet School. « Ils sont passés d’un million d’euros de subvention annuelle à zéro centime, » déplore Benjamine de Cloedt, qui a découvert l’information dans la presse avant même la réception de la lettre officielle. Une décision qui sonne comme un couperet. « On va vers une faillite. Nous risquons de fermer l’école début juillet. »
Celle-ci compte aujourd’hui sur la mobilisation de ses soutiens et de ses mécènes pour sensibiliser l’opinion publique. « Nous avons décidé d’utiliser toutes les émotions, la tristesse, la colère, la déception, l’injustice, et d’essayer de transformer ça en force d’action, » explique Benjamine De Cloedt. Mais sans revirement politique, l’école fermera ses portes, emportant avec elle son projet unique.