C’est bien connu : la Suisse compte de nombreux trésors parmi ses institutions muséales privées. La Fondation Gandur pour l’Art fait partie de ces joyaux.
Créée en 2010 à Genève par l’homme d’affaires Jean Claude Gandur, la fondation éponyme préserve les formidables œuvres et objets d’arts de ce philanthrope aux goûts éclectiques.
Pour le collectionneur de 74 ans, une seule certitude : « La culture doit être accessible à tous. » Organisées en cinq domaines distincts — l’archéologie, les beaux-arts, les arts décoratifs, l’ethnologie et l’art contemporain africain et de la diaspora — les collections de la Fondation Gandur font l’objet de recherches poussées et de publications pointues, telles que Les Bronzes égyptiens, La Figuration narrative, Les Arts décoratifs, les Antiquités classiques ou les Sujets de l’abstraction. À ce titre, la fondation appartient au cercle érudit de l’ICOM (le Conseil International des Musées) depuis 2013.
Le cœur des collections de la fondation, c’est l’archéologie, et plus particulièrement l’archéologie égyptienne que M. Gandur a commencé à collectionner il y a plus de quarante ans, explique le Dr Isabelle Tassignon, conservatrice des collections Archéologie et Ethnologie de la fondation. L’ethnologie est un développement plus récent dans l’histoire de ses collections. Elle comprend des objets d’art tribal océaniens, mais également des pièces précolombiennes. » Souvent rapportées en Europe lors des grandes expéditions dans les mers du Sud ou récoltées lors des missions religieuses au XIXe siècle, les œuvres océaniennes occupent une place de choix dans les collections Gandur. Côté Amérique centrale et latine, les plus grandes civilisations et cultures sont représentées — de culture Veracruz, aztèque, maya, inca, mochica — soit près de 300 objets.
Mais avec ses 1.250 pièces, les collections d’archéologie classique et méditerranéenne constituent le fleuron de la Fondation Gandur, notamment grâce à un ensemble de bronzes égyptiens, grecs et romains de grande qualité. « Monsieur Gandur a un goût particulier pour les bronzes anciens, c’est pourquoi ils forment un groupe très important au sein de la collection », précise le Dr Isabelle Tassignon. En dehors de leurs typologies et de leurs origines multiples, la conservatrice tisse patiemment des « fils rouges » thématiques à travers tous ces ensembles, en particulier, le rapport de l’homme aux dieux. « Lorsque je suis arrivée comme conservatrice à la fondation, il y avait déjà énormément de statuaire ou d’objets en lien avec les cultes, qu’ils soient égyptiens ou classiques. J’ai essayé de creuser cette veine également dans les collections d’archéologie précolombienne et d’art tribal océanien en me demandant comment les hommes faisaient pour apaiser les dieux dans toutes ces civilisations et comment on peut percevoir leurs rituels à travers les objets qu’ils nous ont laissés. » Une lecture qui se fait à travers les ex-voto, masques, statuettes et autres supports d’offrandes conservés par la fondation et qui peuvent être dévoilés sur demande — la fondation n’étant pas ouverte de manière permanente au grand public. Accessibles en ligne, les collections de la fondation font, en revanche, l’objet de nombreux prêts, comme pour l’exposition « Migrations divines » au Mucem en 2015.
Les travaux de recherche et réflexions menés en interne s’invitent également hors les murs. En 2021, la fondation a lancé l’initiative du colloque « Quel avenir pour les œuvres orphelines ? » avec le Centre du droit de l’art de l’Université de Genève et UNIDROIT. Sans provenance, sans archives qui prouvent leurs origines et les conditions de leur acquisition, que ce soit dans des collections privées où elles ont souvent été transmises par héritage ou dans des collections publiques, ces œuvres posent des questions historiques et juridiques, mais aussi éthiques. Peu étudié, ce sujet pourtant crucial est une sorte d’angle mort du droit et de l’histoire de l’art. « Ces objets, riches de toute leur histoire, sont malheureusement condamnés à la clandestinité, car ils ne peuvent ni être étudiés, ni publiés, ni passer sur le marché. Scientifiquement parlant, ils échappent aux radars. Quelle perte pour l’histoire de l’art ! », déplore la conservatrice. Tous frais sortis de presse, les actes de ce colloque explorent de premières pistes de réflexion. Au regard de l’actualité, la recherche en provenance sera plus que jamais une question centrale pour la préservation et l’avenir du patrimoine.