Elles se font souvent discrètes, accrochées aux cimaises de leur siège social. Pourtant, les collections d’art des entreprises recèlent des trésors et constituent un formidable levier culturel et social pour les salariés. Celle du groupe Lhoist en est un bel exemple. Réputée pour sa discrétion, la multinationale industrielle basée à Limelette en Brabant Wallon a constitué au fil du temps un vaste ensemble de photographies où se croisent les grands noms du photojournalisme – Robert Capa, Martin Parr, Raymond Depardon – à travers les clichés iconiques qu’ils ont réalisés pour l’agence Magnum.
« Le cœur de la collection est principalement constitué de photographies, car c’est un médium abordable qui parle à beaucoup de gens, mais aussi de peintures, de sculptures et de quelques vidéos, explique Pascale Van Zuylen, sa conservatrice. S’ouvrir à d’autres médiums permet une meilleure compréhension de l’avant-garde et des tendances artistiques. De la même manière, il ne fallait pas se limiter à un thème lié de trop près à l’activité de l’entreprise, ce qui se fait souvent pour donner de la cohérence aux collections des sociétés. Mais ce qui fait surtout la qualité et la particularité de la nôtre, ce sont les œuvres de commande. » Roy Arden, Bernd & Hilla Becher ou encore Josef Koudelka ont ainsi répondu à l’appel du groupe.
« Une collection d’entreprise est un véritable vecteur de communication, en interne comme en externe, poursuit l’historienne d’art. L’art participe à l’identité, à l’esprit, à la vision de l’entreprise et à la promotion de ses valeurs culturelles, humanistes, en adéquation avec ce qu’on appelle aujourd’hui le concept des trois « P » (People-Planet-Profit). La dimension citoyenne est devenue une donnée fondamentale de l’image institutionnelle et la collection participe aux dimensions stratégiques, structurelles et symboliques du groupe. » Avec plus de 40 nationalités disséminées dans ses filiales un peu partout sur la planète, pas facile en effet de créer du lien entre des « mondes qui parfois s’ignorent ». Avec l’approbation des salariés, la conservatrice accroche les œuvres dans les bureaux et les parties communes, organise des visites pour que les employés et leur famille découvrent les expositions thématiques mises en place par des commissaires invités. Subtil équilibre car il s’agit de ne pas céder à l’autocensure tout en évitant de blesser les sensibilités des employés face à des œuvres qui pourraient les désarçonner.
« La collection est importante pour le développement personnel des salariés qui peuvent s’enrichir sur le plan culturel, discuter entre eux des œuvres. Elle leur permet aussi de développer une fierté d’appartenance et provoque l’enchantement des visiteurs de passage ou des membres du conseil d’administration ravis de découvrir des œuvres dans le bâtiment. Et puis les artistes sont des visionnaires qui véhiculent de la créativité et de l’innovation, des valeurs très importantes dans le monde du travail. »