On dit parfois qu’il est le coffre-fort le mieux gardé au monde. Depuis novembre 2020, Anne-Claire Bisch a pris la tête des ports-francs de Genève, vaste hub de transit en plein cœur de l’Europe réputé pour abriter des œuvres d’art par milliers. Et leurs transactions en toute discrétion. Car les ports francs entreposent de tout, mais surtout de l’art. En très grande quantité. « Plus la moitié de tout ce que nous conservons », précise la nouvelle directrice. Talonnés par les vins – « des bouteilles par million » –, les chefs d’œuvres de l’art et de l’archéologie y côtoient, entre deux palettes, les marchandises les plus ordinaires.
Avec ses entrepôts et ses bureaux, ses ateliers de restauration et d’encadrement, ses labos d’analyse, ses studios photo et ses espaces d’exposition, le site ressemble à s’y méprendre à une ruche du marché de l’art. « Il s’agit d’accompagner le client avec un service sur-mesure tout en conservant notre neutralité », résume la nouvelle directrice qui se retrouve avec près de 150.000 m2 à gérer. « Un travail colossal », confie cette femme de 43 ans issue du monde de l’assurance.
« Le droit suisse est extrêmement vigilant sur la question de l’art, explique-t-elle. Il est nécessaire d’avoir une bonne traçabilité des œuvres pour plusieurs raisons : la curiosité et l’histoire de l’art bien entendu, mais aussi la lutte contre le blanchiment et les trafics. Comme pour les assurances, c’est tout d’abord une question de confiance. »
Les risques, Anne-Claire Bisch connaît. Rodée aux arcanes de l’assurance de l’art où elle aura passé une grande partie de sa carrière, elle se spécialise dans les risques spéciaux. Très spéciaux. Des doigts de pianistes aux voitures de courses en passant par les cigares et même la mise en orbite de satellites. « Je ne faisais que du sur-mesure pour des clients du monde entier », ajoute-t-elle. Elle saute le pas de l’entrepreneuriat en 2014 avec la fondation d’Artssurance qui devient rapidement le principal courtier dédié à l’art et aux objets de valeur en Suisse romande.
Amatrice d’art, Anne-Claire Bisch ne se sent pourtant pas l’âme d’une collectionneuse : « Je suis tellement curieuse et gourmande intellectuellement qu’il me serait difficile de choisir un domaine de collection. Et puis, je vois tellement de belles choses ! » Les ports-francs, c’est aussi l’embarras du choix.