« Un grand collectionneur c’est quelqu’un qui a toujours un temps d’avance, pour identifier ce qui est essentiel,” explique avec passion Alain Servais, collectionneur bruxellois qui a ouvert depuis quelques années son loft à des artistes en résidence.
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Je voyage beaucoup à l’étranger et je trouve triste, quand je visite des collections privées, de voir toujours les mêmes œuvres à la même place. Je me suis demandé pourquoi ces collectionneurs ne changeaient jamais les accrochages. Puis j’ai décidé de faire tourner ma propre collection tous les ans. C’est un choix difficile car il y a des œuvres avec lesquelles j’aime vivre. Mais la question que je me suis posée était : pourquoi continuer à acquérir si tu n’as pas l’intention de vivre avec les œuvres, de les exposer ?
Je me suis beaucoup interrogé sur le rôle d’un collectionneur. Je crois qu’il a 4 fonctions : la recherche, voir beaucoup. Prendre la décision d’acquérir. Exposer les œuvres. Finalement, en parler et écrire à leur propos. J’ai constaté que je n’étais pas très bon sur les 2 derniers points. C’est pourquoi l’accrochage est fait par un personne extérieure à qui je donne carte blanche. Je découvre l’exposition au même moment que les premiers visiteurs.
C’est fantastique une nouvelle exposition car ça change la maison et ça modifie la perception des œuvres et même leur sens. C’est comme si l’œuvre était un mot et l’exposition en son ensemble, une phrase. J’ai fait le même constat avec l’exposition Richter que j’ai vue à New York puis à Londres. C’était les mêmes tableaux mais leur sens était différent.
Comment en êtes-vous arrivé à accueillir des artistes dans votre espace ?
J’ai voulu ouvrir ce grand loft de 900 m2 aux artistes. C’était presque une question morale. Tant d’artistes ont du mal à se loger. La proposition – accueillie avec enthousiame – était de venir vivre et travailler dans la collection. Il n’y a pas d’objectifs ou de copie à rendre. Les artistes restent le temps qu’ils veulent. Un collectif roumain est resté 3 ans. Il sont maximum 6 à 7 personnes dans les lieux. Ces résidences ont provoqué de très nombreux échanges et cela ajoute une dimension. Je crois qu’être collectionneur c’est un apprentissage constant, qui se fait tant qu’on reste curieux et expérimental. Comme l’art, qui doit lui aussi être curieux et expérimental !