Prescrire de l’art plutôt que des pilules ? C’est l’idée originale — et tout à fait sérieuse — du programme « L’Art sur ordonnance » développé par le CHU de Montpellier et le MO.CO Montpellier Contemporain. Une première en France. Depuis 2022, les médecins du service psychiatrique de l’hôpital universitaire délivrent en effet d’authentiques ordonnances prescrivant des visites de musée à leurs patients souffrant d’épisodes dépressifs. Les bienfaits sont multiples : mieux-être, amélioration de la santé mentale, lutte contre l’isolement… Car à la différence de l’art thérapie, généralement mise en place dans les services hospitaliers par des personnels médicaux spécialisés, les ateliers du programme « L’Art sur ordonnance » se déroulent en dehors de l’hôpital dans les locaux du centre d’art au milieu des œuvres. L’occasion pour les patients de sortir d’un univers médicalisé et de (re-)créer du lien social. « L’immersion dans le musée, le contact avec les artistes, les rencontres… les premiers retours ont été tout à fait positifs, le public adhère totalement au principe », constate Stéphanie Delpeuch, responsable du service des publics du MO.CO., un établissement regroupant plusieurs centres et écoles d’art de Montpellier. Elle ajoute : « D’ailleurs, les personnes que nous accueillons ne sont pas de patients pour nous, mais des participants. »
Le projet est né de la rencontre entre Philippe Courtet, psychiatre et responsable du département psychiatrie DUPUP du CHU de Montpellier, et les équipes du MO.CO, déjà bien rodées quant à l’organisation d’ateliers artistiques et culturels à destination des publics en fragilité. « Nous avions déjà développé un programme en réalité virtuelle pour le service anorexie, nous intervenons également auprès de la ludothèque du CHU pour les enfants hospitalisés et leurs parents, énumère Stéphanie Delpeuch. Ces actions font vraiment partie de la mission de service public que nous nous devons de remplir en tant qu’équipement culturel ».
Pour « L’Art sur ordonnance », les patients adressés par le DUPUP du CHU de Montpellier bénéficient d’un programme complet comprenant des rencontres avec les œuvres et les artistes, des visites d’expositions et des ateliers de pratique artistique conçus spécifiquement par des artistes invités. La plasticienne Bianca Bondi a ainsi proposé des séances de « Scrying » — une technique proche de l’auto-hypnose permettant d’explorer le subconscient. Et à l’issue, les participants ont réalisé des aquarelles inspirées de leurs visions. Quant à elle, la chorégraphe Anne Lopez a conçu un atelier de pratique chorégraphique en lien avec les œuvres exposées au MO.CO. En binômes, des internes en psychiatrie et des étudiants en art de MO.CO. Esba ont suivi tous ces ateliers pour mettre en récit cette belle expérience collective.
Renouvelé avec succès en 2023, les équipes préparent déjà la prochaine édition de ce projet pilote pour lequel des études scientifiques sont prévues afin d’évaluer l’impact de l’intervention artistique sur le bien-être mental des patients, leur anxiété et leur qualité de vie. « Le point de départ a été la rencontre avec le service de psychiatrie du CHU, mais, à terme, l’idée serait d’ouvrir le programme, pourquoi pas avec des personnes ayant des troubles cognitifs comme Alzheimer », ajoute Stéphanie Delpeuch Ce n’est plus à prouver : l’art fait un bien fou. Il n’y a plus qu’à renouveler l’ordonnance.